SYNTHÈSE : faire le pont entre les entreprises de la création numérique et l’enseignement
Formation Changements organisationnels EmploisPar Sophie Bernard
22 mars 2022
Initié en 2018 par le ministère de l’Enseignement supérieur suite à des consultations avec le milieu de la création numérique - La Guilde du jeu vidéo du Québec, le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ) et Xn Québec - SYNTHÈSE - Pôle Image Québec est un pôle d’excellence qui vise à créer le maillage entre l’industrie d’une part et le milieu de l’enseignement supérieur et la recherche d’autre part, explique Brigitte Monneau, directrice générale de SYNTHÈSE à Qui fait Quoi.
« Notre mission est de rapprocher le milieu de l’enseignement et de la recherche et les entreprises afin que les programmes de formation soient le plus en adéquation possible avec les besoins de l’industrie qui, on le sait, bouge très très vite, précise la directrice générale. Transformer un programme d’enseignement ou en mettre un nouveau sur pied demande du temps et notre travail de veille vise notamment à outiller enseignants et professionnels sur les changements qui affectent le secteur et favoriser le dialogue entre eux. »
En décembre 2021, SYNTHÈSE présentait les résultats de son enquête « Travailler en création numérique : Évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation ». Ce document de 200 pages s’inscrit dans le mandat du maillage entre entreprises et enseignement. Pour mieux comprendre les besoins des entreprises, il fallait des données. Cette première enquête – d’autres suivront – s’adresse plus particulièrement à la formation 2D et 3D des postes juniors. La question de la formation continue doit aussi se poser afin de maintenir les compétences des employés à jour tout au long de leur carrière.
Trois secteurs sont représentés par SYNTHÈSE : les effets visuels et l’animation, le jeu vidéo et les expériences immersives. Chacun de ces secteurs intègre des métiers d’artistes numériques et a besoin de main-d’œuvre à différents niveaux. « Il était important de faire une étude transversale pour mettre de l’avant les enjeux de transformation technologiques et organisationnels et leur impact sur les métiers de la création communs aux trois secteurs, note Brigitte Monneau. Et nous voulions alimenter les trois associations, qui ont évidemment chacune leur propre chantier main-d’œuvre basé sur des données plus quantitatives, dans leurs réflexions sur les postes en pénurie certains étant en compétition entre les trois secteurs - et les compétences prioritaires à développer. »
Cette première enquête s’adresse plus particulièrement à la formation initiale en création 2D et 3D pour les postes juniors et intermédiaires, mais la question de la formation continue doit aussi se poser afin de maintenir les compétences des employés à jour tout au long de leur carrière – un point également souligné par les chefs d’entreprises de studios avec qui nous avons parlé.
Si les résultats de l’enquête n’ont pas réellement surpris la directrice générale de SYNTHÈSE, elle retient toutefois que les diplômes et le lieu d’où ils proviennent arrivent en queue des critères des employeurs lorsqu’ils embauchent. En fait, c’est le portfolio qui arrive en tête, suivi des compétences transversales – le travail en équipe, les habiletés de communication – et les compétences techniques. Cela lui fait dire qu’il faut effectuer un gros travail de promotion de tous les établissements offrant de la formation en création numérique.
« Les établissements d’enseignement cherchent à se coller aux besoins de l’industrie, rappelle-t-elle. Et cela fait partie de notre travail de veille de faire en sorte qu’ils aient en main toutes les informations pertinentes pour déterminer s’ils doivent développer telle formation ou intégrer tel nouveau module. Il ne s’agit pas nécessairement de refaire le programme au complet, parfois, il suffit d’ajouter un simple module. »
Les enseignants doivent aussi se former eux-mêmes pour garder le contact avec les besoins de l’industrie, il s’agit d’un défi majeur et SYNTHÈSE veut bâtir des liens entre les deux univers. Les établissements ont un besoin criant d’enseignant·e·s et de chargé·e·s de cours, rappelle Brigitte Monneau. Les professionnels peuvent aussi simplement venir donner des conférences, l’important étant de faire entrer les entreprises dans les établissements. D’un autre côté, les enseignant·e·s pourraient aller passer 2 ou 3 semaines en entreprise pendant l’été. Évidemment, d’un côté comme de l’autre, le temps vient à manquer.
L’enquête s’attarde donc aux trois secteurs représentés par SYNTHÈSE : les effets visuels et l’animation, le jeu vidéo et les expériences immersives. Chacun de ces secteurs intègre des métiers spécifiques et a besoin de main-d’oeuvre à différents niveaux. « Il était important de faire une étude transversale pour offrir aux jeunes qui sortent du secondaire d’avoir une meilleure connaissance de la panoplie de métiers et d’entreprises qui s’offrent à eux, souligne la DG de SYNTHÈSE. Et nous voulions aussi alimenter la réflexion des trois associations, qui ont évidemment, chacune leur propre chantier main-d’oeuvre. Nous leur proposons une vision macro. Il existe déjà une petite cannibalisation entre les trois secteurs. Il existe des postes pour lesquels il faut former davantage de gens. »
Les métiers sont appelés à se transformer avec les changements technologiques. Brigitte Monneau donne en exemple l’intelligence artificielle, avec laquelle l’intervention humaine se fera davantage en amont. Heureusement, il faudra toujours un oeil humain. Si les images pourront être composées par la machine, il faudra toujours rajouter une couche humaine. « On a beaucoup parlé de l’intelligence artificielle dans le secteur industriel, par exemple en aéronautique, mais peu encore dans les secteurs du divertissement, note-t-elle. Pourtant, elle va transformer les métiers. »
Et que dire de la production virtuelle qui vient changer la donne en matière d’effets visuels ; jusqu’ici, ceux-ci arrivaient à la fin de la chaîne. Avec les nouveaux modes de production, la création d’images et de décor se fait en amont du tournage ; bousculant ainsi le le travail du réalisateur lui-même va être appelé à changer. Du côté du jeu vidéo et des expériences immersives, l’arrivée de la 5G va également changer la donne , notamment au niveau de la création de la conception et de la consommation des jeux et des expériences. « Les trois secteurs sont en demande de formation, précise Brigitte Monneau. Mais le secteur qui se retrouve le plus en besoin est celui représenté par Xn Québec, à savoir la création immersive, dont les modèles d’affaires ne sont pas encore définis. » La DG pense aussi aux transformations dans les métiers comme la mise en scène ou l’architecture, des métiers dont ont besoin les créations immersives. « Il faut penser à développer les compétences dans ces secteurs, amener le numérique là où on ne pensait pas », dit-elle.
SYNTHÈSE a aussi mis en place sa plateforme EXPERTS qui offre de la formation continue développée par et pour des experts, en association avec les établissements d’enseignement. « Les enseignant·e·s et les professionnel·le·s qui ont une expertise pointue ou très recherchée peuvent venir offrir des modules de cours en ligne de différents formats, entre une heure et 15 heures pour les plus longs, note Brigitte Monneau. Les cours sont mis gratuitement à la disposition de tous les employés des entreprises membres des trois organismes que nous chapeautons et qui sont nos partenaires. »
La vigie demeure un pôle important pour SYNTHÈSE, souligne-t-elle. Elle souhaite que l’organisme devienne une référence à la fois pour les professionnel·le·s et les enseignant·e·s. Et cela passe par la plateforme SYNERGIES (où l’on trouve d’ailleurs l’enquête). SYNTHÈSE donne accès à des études importantes, mais aussi à des dossiers très fouillés et même des références à des mémoires de maîtrise et à des thèses de doctorat. On y trouve des articles soit produits à l’interne, soit en édition de contenu, spécifiquement sur la transformation des métiers et des besoins de compétences. Ainsi, on retrouve un dossier sur les différents métiers qui sont intervenus dans la création de l’exposition « L’infini », en collaboration avec le Centre Phi.
« Prochainement, nous allons rendre disponible un résumé de 20 pages de l’enquête. Celle-ci génère déjà de l’intérêt de la part d’enseignant·e·s. Par ailleurs, afin que les programmes soient le plus en adéquation possible avec les besoins du milieu deux de nos employés se trouvent aussi à la table du ministère de l’Enseignement supérieur dans le cadre des travaux de révision des DEC en animation 2D et 3D et en intégration multimédia », conclut Brigitte Monneau.
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