Vincent Fortin (École NAD-UQAC) croit à la formation continue
Formation Innovation technologique Effets visuels et animationPar Sophie Bernard
21 mars 2022
Artiste en effets visuels et enseignant au baccalauréat et en formation continue à l'École NAD-UQAC, Vincent Fortin est lui-même finissant du NAD, à l'époque où celle-ci était privée. Comme de nombreux artistes FX de sa génération, il a été formé sur Softimage, ce logiciel fièrement québécois. «Nous faisons des métiers où nous apprenons à nous tenir à jour techniquement chaque six mois ou chaque année, nous confie-t-il en entrevue. Au cours de ma carrière de 20 ans, j'ai eu à toucher à tous les logiciels.» Aujourd'hui cependant, il se concentre sur le logiciel Houdini.
«C'est à la fois un choix personnel et une tendance de l'industrie, note Vincent Fortin. J'ai la chance de mettre toute mon énergie sur cet outil qui est en train de devenir un standard. Il existe toujours un mélange entre l'artistique et le technologique dans notre métier. Tous les gens qui y travaillent doivent maintenir ces deux aspects. Les développeurs logiciels comprennent cela et doivent nous apporter des solutions.» À son arrivée sur le marché, Houdini était considéré comme un logiciel de nerds, parce que très technique. Les changements dans les solutions technologiques viennent à la fois des studios et des développeurs. Houdini, explique l'enseignant de l'École NAD, permet de créer des machines qui vont par la suite fabriquer l'art. Il le compare à la construction d'une maison, qui demande la collaboration de plusieurs corps de métier, qui interviennent chacun à une étape précise de la fabrication. «Houdini fabrique la méthode pour la construction d'une maison, que l'on peut ensuite utiliser pour des milliers d'autres maisons», illustre-t-il.
Vincent Fortin a participé à l'enquête «Travailler en création numérique: Évolution des métiers graphiques 2D-3D et enjeux de formation» de SYNTHÈSE – Pôle Image Québec comme expert sur les tendances technologiques. «Ça bouge vite dans le domaine, lance-t-il. «Il existe une espèce de course dans les grands studios qui ont beaucoup de moyens financiers, comme Disney et d'autres, qui participent au développement de l'industrie et qui inspirent les développeurs logiciels, dit-il. Les studios ont de la difficulté à se tenir à jour et se tournent donc vers les écoles pour trouver des gens compétents. Il faut donc former des gens de qualité.» Ce qui est curieux, c'est que nous nous faisons pousser par les développeurs logiciels. Si nous, les enseignants, nous ne nous tenons pas à jour, nous serons rapidement dépassés, car les entreprises ont des besoins. C'est la grande roue qui tourne!»
Or, les institutions d'enseignement sont mal outillées, mais Vincent Fortin ne les blâme surtout pas: la technologie va tellement vite. Le meilleur endroit pour apprendre demeure dans les studios qui se trouvent à l'avant-garde technologique. Il faut donc faire des liens entre les institutions et les studios, et miser sur la formation continue en entreprise. «Mais il est rare que les professeurs puissent s'asseoir pendant dix ans sur leur titre, avance-t-il. Ils doivent garder le contact avec l'industrie ou se former eux-mêmes, ce qui est facile aujourd'hui: on trouve tout sur le Web. Mais pour cela, il faut de la discipline et du temps.»
Les enseignants doivent se former constamment. Comme chargé de cours, Vincent Fortin enseigne dans des studios, en formation continue. Il doit être à jour sur les plus récentes technologies, et le fait donc par lui-même. Mais les professeurs à temps plein n'ont jamais assez de temps. Ils devraient avoir du temps pour parfaire leur formation. «Je rêverais d'avoir un pied en production et un pied à l'école, dit-il. Je n'ai aucune sécurité de travail, je suis un peu un extraterrestre. D'autres doivent choisir entre travailler dans des studios ou enseigner. Certains prennent une année sabbatique de l'enseignement pour retourner dans les studios, mais c'est généralement à leurs frais.»
Les entreprises ont besoin à la fois de juniors, d'intermédiaires et de seniors. Ces derniers n'ont pas le temps d'apprendre les nouvelles fonctionnalités de tel ou tel outil. Les effets visuels touchent la matière, l'eau, le feu, la destruction. Et si c'est le métier le plus cool au monde, il arrive qu'une personne travaille sur un seul élément pendant un projet, ce qui va avoir un effet négatif sur ses connaissances par rapport aux autres éléments. Vincent Fortin observe que les entreprises ont surtout des besoins en matière procédurale. Les studios en sont bien conscients, puisque cela permet d'épargner temps et argent. Les employés en poste de gestion de production doivent, de leur côté, comprendre tous les rouages de la 3D et du pipeline au complet.
«Il existe de gros besoins dans l'industrie, note-t-il. Les studios se plaignent que les jeunes ne sont pas assez formés et instaurent donc des programmes de formation ou des technologies à l'interne. Je crois qu'il existe des lacunes à combler entre les écoles et les studios. Mais les programmes sont déjà très chargés. Tout le monde ne se trouve pas au même niveau en sortant de la formation. Les très bons se placent très rapidement. Peut-être faudrait-il, pour les autres, un suivi pendant plus de temps?»
Une des solutions pour attirer les jeunes dès le secondaire à se lancer dans ce métier serait de donner des cours de mathématiques dans Houdini, ou encore de physique dans d'autres logiciels 3D. Les jeunes se trouvent déjà plongés dans l'univers de la vidéo. «Je crois qu'enseigner les mathématiques des vecteurs avec des personnages 3D qui bougent rentrerait mieux qu'avec des cahiers, dit-il. Le déclic se ferait beaucoup plus tôt. Personnellement, il s'est produit alors que j'avais 20, 25 ans, et j'ai dû réapprendre la physique et les maths sur des projets de films.»
Vincent Fortin, qui a récemment travaillé sur le tout premier film d'animation de Rodeo FX, voit de grandes tendances se dessiner dans l'industrie, dont l'arrivée de la Universal Scene Description (USD), qu'il croit prometteuse, ainsi que l'extension de l'intelligence artificielle pour les tâches répétitives.
Article publié en partenariat avec le Qui fait Quoi.
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